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La Russie condamne le journaliste américain Evan Gershkovich à seize ans de prison pour «espionnage»

  • juillet 22, 2024
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La Russie condamne le journaliste américain Evan Gershkovich à seize ans de prison pour «espionnage»
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Le journaliste américain Evan Gershkovich a été reconnu coupable, vendredi 19 juillet, d'« espionnage » en Russie et condamné à seize ans de prison. L'accusation n'a jamais été étayée par Moscou et a été rejetée à plusieurs reprises par l'intéressé, ses proches et les États-Unis.

En Russie, « Gershkovich Evan est reconnu coupable et condamné à seize ans d’emprisonnement », a déclaré le juge du tribunal régional Sverdlosvki d’Ekaterinbourg, Andreï Mineïev, selon une journaliste de l’AFP sur place. Le reporteur de 32 ans du Wall Street Journal et ancien journaliste de l’AFP devra purger sa peine dans une colonie pénitentiaire à « régime sévère », a ordonné le juge Andreï Mineïev. Cela signifie des conditions de détention très strictes, comparées au « régime normal ». Quelques heures après l’annonce de la peine, le président Joe Biden a déclaré que les États-Unis travaillaient « d’arrache-pied » à la libération du journaliste.

Evan Gershkovich est apparu devant la presse avant l’énoncé du verdict, les bras croisés, le crâne rasé, une coupe imposée aux prisonniers, dans le box en verre réservé aux accusés. Evan Gershkovich a plaidé non coupable et exercé son droit à une « dernière prise de parole » avant le verdict, avait annoncé plus tôt à la presse une porte-parole du tribunal, Ekaterina Maslennikova. Le parquet avait requis dix-huit ans de prison.

S’il fait appel et que sa condamnation est confirmée, il devrait ensuite rejoindre sa colonie pénitentiaire dans la foulée, lors d’un transfert qui peut mettre plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

Reporteur reconnu pour son professionnalisme, Evan Gershkovich avait été arrêté fin mars 2023, alors qu’il était en reportage à Ekaterinbourg, dans l’Oural, pour « espionnage ». La Russie n’a jamais étayé cette accusation, que le journaliste, sa famille, ses proches ainsi que la Maison Blanche rejettent. 

Nous allons continuer à nous battre pour sa liberté, comme avant. Chaque jour passé en prison pour Evan est un jour de trop, parce qu’il ne devrait pas être là, il devrait être libre.

Maria Borzuna est une consœur et amie d’Evan Gershkovich, elle dénonce les conditions de ce jugement. « Je ne peux pas dire que nous attendions grand chose de ce simulacre de procès. Les autorités russes ont dit dès le début qu’elles étaient sûres de la culpabilité d’Evan. (…) Il est évident que, pour nous, ce verdict n’a rien à voir avec la réalité. Evan est en prison uniquement parce qu’il est journaliste », avance-t-elle d’un ton las. Elle promet cependant de ne pas abandonner son ami : « Nous allons continuer à nous battre pour sa liberté, comme avant. Bien sûr, je me fais du souci pour lui tous les jours parce qu’il ne devrait pas être derrière des barreaux. C’est juste un journaliste qui a fait son travail, et il devrait être libéré dès que possible. Chaque jour passé en prison pour Evan est un jour de trop, parce qu’il ne devrait pas être là, il devrait être libre ».  

Une procédure expéditive

Le Kremlin a une fois encore refusé ce vendredi 19 juillet de spécifier ses accusations : « Les accusations d’espionnage sont une chose très sensible, nous ne pouvons pas faire d’autres commentaires, le procès est en cours », a éludé le porte-parole de Vladimir Poutine, Dmitri Peskov.

Le procès d’Evan Gershkovich aura été expéditif : une audience le 26 juin, une autre jeudi et enfin celle de ce vendredi. Toute la procédure a été placée sous le sceau du secret et rien n’a filtré du huis clos imposé par les autorités. Il s’agit donc d’une procédure express, car les procès de ce type s’étalent d’ordinaire sur plusieurs semaines ou mois.

Pour Washington, son arrestation a visé avant tout à monnayer un possible échange de prisonniers, en pleine tension entre la Russie et les États-Unis, liée au conflit armé en Ukraine. Moscou a admis négocier sa libération et le président russe Vladimir Poutine a évoqué lui-même le cas de Vadim Krassikov, en prison en Allemagne pour un assassinat commandité attribué aux services spéciaux russes. 

Fin juin, la Maison Blanche a dénoncé un « simulacre » de procès, répétant qu’Evan Gershkovich n’avait « jamais travaillé pour le gouvernement » américain. Début juillet, un panel d’experts de l’ONU estimait de son côté que sa détention était « arbitraire » et qu’il devait être libéré « sans délai ».

Plusieurs autres Américains détenus en Russie

Evan Gershkovich est le premier journaliste occidental, depuis l’époque soviétique, à être accusé d’espionnage en Russie. Son emprisonnement a suscité une importante vague de solidarité au sein de médias américains et européens. Dans un communiqué, le Wall Street Journal a fustigé sa condamnation « scandaleuse ». Cette condamnation « survient alors qu’Evan a passé 478 jours en prison, détenu à tort, loin de sa famille et de ses amis […] tout cela pour avoir fait son travail de journaliste », ont déclaré des responsables du journal dans un communiqué, s’engageant à continuer à se battre pour obtenir sa libération. 

L’ONG Reporters sans frontières a qualifié de son côté la condamnation du reporteur américain de « prise d’otage ».

Enfant d’immigrés ayant fui l’URSS pour les États-Unis, Evan Gershkovich s’était installé en Russie en 2017. Les enquêteurs accusent Evan Gershkovich, qui avait travaillé pour l’AFP à Moscou en 2020-2021, d’avoir collecté des informations sensibles pour la CIA sur l’un des principaux fabricants russes d’armements, l’entreprise Ouralvagonzavod. Cette usine produit notamment des chars T-90 utilisés en Ukraine et ceux de nouvelle génération Armata, alors que son activité civile est la production de wagons de marchandises.

La Russie détient plusieurs autres Américains, dont la journaliste russo-américaine Alsu Kurmasheva, arrêtée en 2023 pour une infraction à la loi sur les « agents de l’étranger », et l’ex-marine Paul Whelan, qui purge une peine de seize ans de prison pour espionnage, une accusation qu’il conteste. Une ressortissante russo-américaine, Ksenia Karelina, est jugée depuis le 20 juin, à Ekaterinbourg aussi, pour haute trahison, accusée d’avoir donné de l’argent à un groupe de soutien à l’Ukraine.

La Rédaction7 avec RFI

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