Au Sénégal, une journée « sans presse » a eu lieu ce mardi 13 août par les patrons de médias privés qui disent « craindre pour leur liberté d'expression », quatre mois après l'arrivée au pouvoir du nouveau président Bassirou Diomaye Faye. Ils alertent notamment sur les mesures fiscales et économiques qui les mettent en faillite.
Les patrons de médias du Sénégal alertent sur les mesures fiscales et économiques qui les mettent en faillite comme le ” blocage des comptes bancaires des entreprises de presse pour non-paiement d’impôt “, la « saisie du matériel de production », ou la « rupture unilatérale et illégale des contrats publicitaires ».
Le mouvement a été bien suivi. Les Dakarois habitués à acheter leur journal se sont retrouvés face à des kiosques bien vides mardi matin : la grande majorité des titres sénégalais a suivi le mot d’ordre lancé dimanche par le patronat de la presse, rapporte le correspondant de RFI à Dakar, Gwendal Lavina.
Les journaux n’ont pas été imprimés mais les rédactions ont tout de même publié leur Une quasi identique. Sur un fond noir, on peut lire les mots « journée sans presse » en rouge et blanc, ainsi que des poings levés avec un crayon, un téléphone portable ou encore un micro.
Car le mouvement dépasse la seule presse écrite. L’appel a aussi été très suivi par les sites internet et les radios : aucun journal mais de la musique sur SUD FM, la première radio privée du pays, tout comme sur Radio Futur médias.
Par cette action, les médias privés dénoncent les mesures prises par les nouvelles autorités : la confiscation du Fonds d’appui au développement de la presse, la remise en cause de contrats entre l’État et les médias, ou encore l’encadrement de la publicité. Autant d’éléments qui mettent en péril la liberté de la presse et l’indépendance des médias, avancent les organisateurs du mouvement.
Ce mardi, « il n’y aura pas de quotidiens, au niveau de la radio, les micros seront éteints. Au niveau de la télévision également, ce seront des écrans noirs. Les sites ne seront pas alimentés en information, précise Mamadou Ibra Kane, le président du Conseil des diffuseurs et éditeurs du pays (CDEPS, patronat).
Le nouveau régime a posé des actes hostiles pour les entreprises de presse. Aujourd’hui, la situation, c’est que la plupart des entreprises de presse sont en situation de quasi-faillite. Nous espérions que le nouveau régime allait discuter avec la presse pour établir un plan de sortie de crise. Mais malheureusement, ce n’est pas le cas. Au contraire, en tentant d’asphyxier économiquement et financièrement la presse privée, le nouveau régime pense pouvoir créer de nouveaux médias pour vulgariser leur position. Et ce (au détriment d’) une presse qui serait une presse républicaine critique. C’est dans ce sens que c’est une menace à la liberté de presse. Et à la liberté d’expression ».
Le gouvernement semble camper sur sa position sur la fiscalité, principale pomme de discorde
Mais le principal point de blocage reste la question fiscale et le gouvernement semble déterminé à ne pas reculer. Les éditeurs de presse évoquent une fiscalité qui asphyxie leur rédaction et n’est pas adaptée à leur mode de fonctionnement.
Selon les derniers chiffres disponibles, la dette des médias sénégalais auprès du Trésor public s’élève à 40 milliards de francs CFA (soit environ 61 millions d’euros). L’ex-président Macky Sall avait promis d’en effacer une partie mais aucune mesure en ce sens n’a été prise avant son départ du pouvoir.
Et les nouvelles autorités affichent leur fermeté sur le sujet. Pas question de renoncer à cette manne financière : pour l’exécutif, c’est de l’argent que les entreprises de presse doivent payer : comme tout le monde, ils doivent s’acquitter de leurs obligations fiscales, affirment les autorités. Certains médias ont vu leurs comptes gelés.
L’ONG Reporters sans frontières (RSF) appelle tous les acteurs à se mettre autour de la table pour discuter et engager des réformes structurelles. En attendant, les médias comptent bien continuer la mobilisation avec en plus des « journées sans presse », ainsi que d’autres moyens de mobilisation qui restent à déterminer.
La semaine passée, les patrons des médias privés s’étaient réunis pour décider d’actions à mener pour alerter sur leur situation et faire pression sur le gouvernement.
La Rédaction7 avec RFI
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